C’était le 9 juin, j’ai rencontré Morgan pour réaliser une entrevue sur le réseau social qu’il a développé en automne 2023 - 2000.town. On se donne rendez-vous à 17h. Alors que je rentre dans l’appartement, la musique résonne à fond; dans le salon, les colocs mixent de la techno sur un set up assez impressionnant qui prend tout le mur, c’est dans ce tumulte que Morgan m’invite à aller sur le toit pour qu’on puisse réaliser l’entrevue. Je le suis dans l’une des pièces avant de le voir rentrer dans un petit placard… Il grimpe une échelle, en haut de laquelle une ouverture mène au toit. Je le suis. Nous émergeons alors de cette petite faille pour arriver sur la terrasse. C’était une journée plutôt fraîche pour le mois de juin, parmi les éclaircies une petite pluie tombait par moment. Assis sur les rebords du toit, on ouvre la discussion, qui s’avérera certainement plus longue que prévu ! Alors qu’on creuse les origines et la vision de 2000.town, la réflexion déborde sur divers sujets - l’écosystème d’internet, l’avenir de la technologie, l’intelligence artificielle, la blockchain,… bref, on explore le paysage numérique et naturel qui englobe la création de ce projet.
Vidéo de présentation de 2000.town (septembre 2023)
Transcription
À défaut de partager la totalité de la transcription (beaucoup trop longue), voici quelques extraits intéressants qui font un survol de l’entrevue.
La genèse de 2000.town (0:00)
Framework de 2000.town (12:05)
NFT: le projet Boomerang (26:58)
Être autodidacte avec Internet (32:31)
Transhumanisme et nature (35:34)
La genèse de 2000.town
(0:00)
M: En fait, l'intention derrière cette plateforme-là, c'était de retrouver le côté social dans un univers où les réseaux sociaux ne sont plus tant sociaux. En fait, c'est venu de l'identification d’une problématique où sur les réseaux sociaux, si tu veux parler avec tes amis, si tu veux échanger de manière plus communautaire sur la même plateforme, oui, tu vas être en mesure de discuter avec x, y, personnes, mais à travers ça, tu vas être exposé à de la publicité, tu vas être exposé à des vidéos vides de contenu que tu n'as pas nécessairement demandé. Donc, sur la même plateforme, tu vas être bombardé d'informations, qu’on pourrait qualifier de bruit, alors que l'intention première, c'est davantage d'échanger avec les autres. Donc, face à tout ce bruit, la solution, ce n'est pas d'extrapoler sur ce qui se fait déjà, mais plutôt de reculer. En fait, à la base, l'internet était beaucoup plus simple que ce qu'il est devenu, et les fondements de cette technologie étaient beaucoup plus sains et beaucoup plus fédérateurs que ce qu'on retrouve de nos jours en ligne. Et de ce fait, de reculer dans le temps et dans les propositions qui se faisaient ce n'est rien de nouveau en soi, c'est simplement le contexte qui change. C'est le fait de proposer une solution de la sorte pour pallier le manque d'interaction sociale. En fait, on a vraiment régressé, on pourrait dire. Dans la vidéo, par exemple, d'introduction que j'avais faite pour 2000.town, je relatais un peu au deuxième degré la manière dont le paysage a changé avec l'apport des nouvelles technologies, et je pose la question, c'est un progrès, oui, mais est-ce que c'est vraiment un progrès de qualité de vie humaine ? Pas vraiment. Et donc, en régressant en ligne, on retrouve ce côté humain, parce que la technologie a déhumanisé un petit peu les comportements qu'on a l'un envers l'autre.
(2:16)
Et il y a une deuxième chose aussi intéressante, peut-être, qui serait que la plateforme n'a pas été réfléchie, et ça c'est totalement volontaire, de manière à ce qu'elle soit individuelle. Elle est plutôt collective. Ce n'est pas comme sur Facebook ou sur je ne sais quelle autre plateforme où chacun post sur son propre profil, et chacun a son profil avec ses propres posts. Non. Dans ce cas-là, 2000.town a vraiment été établi de manière à ce qu'elle soit une plateforme communautaire, où lorsque quelqu'un écrit quelque chose, tout le monde le voit, un peu comme un town hall ou comme un forum de discussion, ça reprend vraiment le concept du forum. Quand tu mets quelque chose, ce n'est pas pour dire « voilà ce que j'ai fait aujourd'hui », bien que ça puisse se faire aussi, mais c'est plutôt pour essayer d'engager la conversation avec les autres. Puis ça relate beaucoup de la volonté des gens, je pense. Je ne sais plus avec qui j'en parlais l'autre jour, mais il y a beaucoup de gens qui se plaignent de l'état actuel du paysage numérique, mais pourtant, quand tu leur proposes quelque chose de nouveau, ça ne les intéresse pas non plus.
(4:55)
Il y a aussi cette volonté-là de le garder simple, parce que le but, ce n'est pas de rester sur la plateforme, c'est vraiment de l'utiliser au besoin. Si on voulait passer des heures, c'est sûr qu'on pourrait faire ça pour que ce soit plus intéressant, plus joli, bien que moi, personnellement, je prendrais un site web 1.0 over n'importe quel site actuel. Un site internet, ça n'a besoin que d'être du texte sur un fond blanc, puis c'est tout. L'information passe. Et c'est surtout aussi qu'il y avait quelque chose d'intéressant où, à l'époque, les gens faisaient eux-mêmes le HTML, ça s’apprenait très facilement. Les gens faisaient des trucs, même sans que ce soit de monter des sites web au complet, mais des genres de MySpace ou des SkyBlogs, ce genre de trucs où les gens venaient éditer le HTML eux-mêmes, rajouter des widgets sur leur site. C'est quelque chose qui se faisait très couramment, et les gens bidouillaient, bidulaient certaines fonctionnalités sur leur propre site ou micro-blog ou etc. Chose qui s'est perdue, vraiment.
Framework de 2000.town
(12:05)
L: Puis, tu l'as codé en quoi, 2000.town ?
M: Le framework principal, c'est une instance de Python qui s'appelle Django. Django permet de faire des web-based apps qui ont un CMS, donc un Content Managing System. Il y a plein d'applications ou plein de frameworks qui permettraient de faire ça, mais dans ce cas-là, j'ai utilisé celui-là, parce que c'est celui que je connaissais. Et en fait, ça me permet d'avoir un admin panel où je peux voir toutes les posts. Tout ce truc-là gère aussi le système de création d'utilisateurs. Donc, les utilisateurs sont créés à travers ce backend-là. Les posts sont dans ce backend-là, les commentaires sont dans ce backend-là. Tout est là-dedans. Et par la suite, je prends ce qu'il y a dans le backend, et c'est mis en HTML/CSS sur le site. À savoir aussi qu'il y a juste cinq instances où il y a un petit peu de CSS pour des trucs vraiment importants, mais dans la première itération du site, c'était juste du HTML.
L: Oui, je pense que vu l'esthétique, tu peux tout faire en HTML.
M: C'est ça, et c'est vraiment ce que j'ai essayé de faire. Genre, pas de CSS du tout, c'était un challenge aussi. Vraiment, parce que ça peut être simple et ça n'a pas besoin d'être compliqué.
L: CSS, ça te permet aussi d'avoir le même design pour toutes les pages, par exemple?
M: En fait, on peut le comparer à une maison. Le HTML, ce serait la fondation de ta maison. Tu sais où vont les pièces, tu sais où vont les fenêtres, tu sais où vont les portes, etc. Le CSS, ça va davantage être du styling. Donc, on va dire quelle couleur est la porte, de quelle grandeur est le tapis, etc. Puis, tu pourrais rajouter le JavaScript aussi, où c'est quand j'allume cet interrupteur, l'ampoule s'allume. C'est du dynamique. Donc, vraiment, il y a une composante dynamique. Bien souvent, il y a des conditions. Si j'allume ce truc, il se passe ça. Si je clique sur ce machin-là, il arrive quelque chose. Il faut savoir que Django, Python, je n'ai pas implémenté de JavaScript comme tel, mais lui, il l'utilise dans son backend. Je n'en ai pas écrit, mais je sais que Python, Django, ils transmettent certains trucs en JavaScript, mais ça n'a pas été dans mon intention de l'utiliser sur le site pour autre chose que ce qu'il fait lui dans le backend. Mais oui, si tu fais le parallèle avec ce que je faisais au préalable, on pourrait qualifier peut-être aussi que cette expérience-là, c'était aussi comme une expérience ou un test, ou on pourrait aussi le voir comme un projet d'art. Je pense que c'était vraiment une expérience plus qu'autre chose.
NFT: le projet Boomerang
(26:58)
M: NFT, j'en ai fait qu'un seul vrai. J'en ai fait un qui était pour essayer, puis j'en ai fait un vrai.
L: C'était le Boomerang ?
M: C'était le Boomerang, ouais. C'est drôle parce que c'est le NFT que je ne peux pas vendre. Je ne peux même pas m’en débarrasser.
L: Tu l'as juste lancé.
M: C'est ça. Il est dans mon compte, mais si je le transfère à n'importe qui, il revient dans mon compte.
L: Est-ce que tu peux faire un court résumé, vite fait ?
M: Oui, le Boomerang, en fait, j'ai codé pour la blockchain. Une de mes pratiques, ça a été de coder sur un langage qui s'appelle Solidity qui permet de faire des smart contracts. Et ça, soit tu l'apprends, genre, dans les instances assez hautes de l'université en Computer science, soit tu l'apprends sur le tas avec Internet. Moi, c'est ce que j'ai fait. En passant, tout le code que je fais, je n'ai pas étudié là-dedans. J'ai appris avec Google et YouTube. Donc, le Boomerang, juste pour un court résumé, c'était un NFT dont j'ai modifié… en fait, quand je l'ai codé, j'ai fait ce qu'ils appellent Override. Ça serait Overwrite, mais dans le code, c'est Override, je pense. Et en fait, toutes les fonctions de transfert, je les ai modifiées pour que non seulement il ne puisse pas être transféré; en fait, ils peuvent être transférés, mais dans la même transaction de transfert, il est en même temps détruit dans le compte de l'utilisateur à qui il a été transféré, et par la suite, il est recréé dans mon compte. Donc c'est ça, en fait, il y a un espèce de « hack » où on croirait qu'il revient, parce que dans le track record, tu vois qu'il revient. Dans la même transaction, il est envoyé à quelqu'un, il est détruit dans le compte de la personne, et ensuite il est recréé dans mon compte. Et c'est ce qui permet de faire cette espèce de boucle. Donc il y a trois transactions qui imitent donc cet espèce de mouvement de va-et-vient digital. Ce qui est très drôle, parce que je pense qu'à ce moment-là, quand je l'ai fait en février 2022, c'est un projet que j'ai fait en deux jours, j'ai fait juste ça pendant 48 heures, parce que j'ai eu l'idée, et je me suis dit « merde, il faut absolument que ça sorte » la journée palindrome qu'il y a eu. La date était palindrome, c'était 2022-02-22. C'est juste que dans le palindrome, il y a le fait d'aller et de revenir, et donc c'était vraiment conceptuel de faire ce projet-là, et qu'il soit public la journée palindrome. J'adore tout ce qui est conceptuel, ça fait partie de ma pratique, et donc c'était vraiment clé que ça sorte cette journée-là, ça aurait pas eu le même effet si ça n'avait pas été fait la même journée.
Être autodidacte avec Internet
(32:31)
L: Aussi le fait que tu n'aies jamais appris à coder à l'école, ou que tu n'as pas fait d’études pour ça, ça revient avec l'idée qu'Internet est comme une plateforme de libre circulation de l'information. Puis c'est ça qui est beau là-dedans, c'est que vu qu'Internet est widespread sur la surface de la Terre, tout le monde y a accès. Les gens apprennent plein de choses, les gens sont super autodidactes avec ça, que ce soit pour coder ou autre chose. Mais je trouve que cet usage un peu libre de la technologie, ça permet aussi d'autres formes d'apprentissage qui sont plus libres, plus autonomes.
M: Certainement, on m'a déjà demandé, mais comment t'as fait pour apprendre, ou machin ? Toute l'information existe, toute l'information est là, il suffit de s'asseoir devant l'ordi, puis de lire ou d'essayer. Puis ça tient pour le code, mais ça tient pour plein d'autres choses. Je pense qu'aujourd'hui on vit une époque merveilleuse où n'importe quel hobby, ou n'importe quelle chose que tu aurais envie d'essayer ou de faire, il existe un tutoriel sur YouTube, plus qu'un même, je veux dire. Toute l'information est là, et pourtant, parfois on a l'impression que certaines personnes vont avoir du mal à trouver des choses à faire, mais je trouve que moi je n'ai pas le temps pour faire toutes les choses que j'ai envie de faire, je n'ai pas le temps. Mais pour ce qui est de l'apprentissage du code, contextuellement j'ai commencé en janvier 2020. A l'époque, j'étais chef dans un resto, et j'apprenais le soir, et à la base c'était parce que quand je faisais de la musique, je voulais faire un site pour ma musique. Et j'avais déjà touché à ce genre de choses, j'avais déjà fait des HTML dans des Skyblogs, mais là je voulais vraiment apprendre. Puis un des trucs qui m'a aidé en janvier 2020, c'était une application qui s'appelait Mimo, et c'est une application qui est comme un Duolingo, mais pour le code.
L: Ok, tu apprends des petites lignes de code ?
M: C'est des bite-sized exercices, et ça te dit voilà, par exemple, fill in the blanks, qu'est-ce qui devrait aller là. J'ai terminé l'application en une semaine.
L: Ça t'a beaucoup aidé, ou ça t'a bien introduit ?
M: Ça m'a kickstart, ça m'a donné la piqûre. Et après avoir terminé tout ce qu'il y avait sur l'application en une semaine, j'ai dit ok, j'aimerais essayer plus maintenant. C'est à partir de ce moment-là que j'ai essayé de faire des sites plus expérience, un peu bizarres, expérimentaux. En fait, je posais des questions à Google, je disais comment faire pour que quand tu refresh la page, par exemple, il y ait une image différente qui apparaisse. Voilà, ok, il faut apprendre un petit peu de JavaScript, il faut apprendre qu'est-ce que c'est que random, qu'est-ce que c'est qu'enregistrer une variable, qu'est-ce que c'est que, etc. Et donc, c'est à force d'itération que j'ai appris en faisant des projets personnels. Et par la suite, c'est vraiment Google, machin, tout ça. Puis j'ai pris quelques cours en ligne aussi de plateformes, il y a plein de plateformes qui offrent des cours en ligne. Et c'est bien tombé, parce que j'avais commencé en janvier 2020, et on est arrivé en lockdown. Et donc, j'ai utilisé tout le temps de la pandémie quand on était à la maison pour faire des bootcamps tout seul à la maison. Donc, j'ai changé ma trajectoire, j'étais chef dans un resto.
L: Ça a fermé, je suppose.
M: Ouais, ça c'est exactement, ça a fermé. Et après la pandémie, j'ai fait du code pas mal à temps plein, c'est ce qui m'a sorti de la restauration, en fait.
Transhumanisme et nature
(35:34)
L: C'est ça que je trouve intéressant, tu vois. On a toujours été traditionnellement formatés à aller à l'école ou à apprendre avec un professeur dans une classe, qui est pas… je crache pas dessus, tu vois, définitivement pas, mais j'admire énormément les façons alternatives d'apprendre, d'être autodidacte.
M: Je pense que ça vient d'une curiosité. Je suis très ancré dans le monde réel, et je trouve que le monde réel est beaucoup plus intéressant que la fiction. Quand tu vois, ou même des animaux, ou des trucs, tu te dis « mais comment ça se fait qu'on vive sur la même planète que ce genre de créatures ? » Pour moi, c'est fascinant, beaucoup plus que n'importe quel truc qui serait inventé de toute pièce.
L: J'imagine que la nature est comme une sorte, si tu veux, de technologie extrêmement sophistiquée, c'est cet aspect non technologique aussi…
M: Ouais, selon moi, la nature, si on parle d'un dieu ou d'une divinité, ou si on parle de quelque chose de plus grand que l'homme, qui est transcendant vraiment de l'expérience humaine, la nature c'est fascinant. Je trouve que, selon moi, il y a un ordre, il y a quelque chose de plus grand que l'homme, qui prend la forme de je ne sais quoi, mais il y a définitivement quelque chose de plus grand, et la nature en est une composante vraiment tangible.
L: Ouais, c'est la manifestation même de cette intelligence naturelle. C'est pour ça que c'est vraiment dangereux d'essayer de recréer de toute pièce une forme d'intelligence autonome, parce que, disons qu'avec les algorithmes qui se créent continuellement, si tu veux, ça vient mimer... tu vois ce que je veux dire ?
M: Oui, je vois ce que tu veux dire, et puis c'est drôle, j'avais cette conversation-là, juste ici, il y a genre deux semaines, où on faisait la comparaison justement entre certaines divinités, où il y a beaucoup de gens, on pourrait parler de gens qui se rattachent à l'accélérationnisme, et qui vraiment vont considérer ce genre de technologie-là, on parle de AI, comme étant les nouveaux dieux, les nouvelles divinités omniscientes qui viendraient se placer moralement au-dessus des humains. C'est assez particulier, et c'est des questions auxquelles je n'ai pas encore les réponses, parce que techniquement, il y a beaucoup de choses que ces technologies-là sont capables de faire mieux que les humains, sans équivoque.
L: Sans émotion, sans jalousie, sans insécurité, qui détruisent un peu le monde.
M: Assez objectivement, etc. Donc c'est assez particulier, parce qu'on pourrait dire oui, forcément, mais de placer une machine qui a été faite par l'humain, plus haut que l'humain, ça me semble à la fois antithésique, il y a comme une dichotomie dans ce concept-là, qui fait en sorte que c'est ambigüe, pas ambigüe, mais c'est particulier du moins. Et vu à la vitesse à laquelle ces choses-là évoluent, le futur risque d'être assez, du moins, divertissant.
L: Oui, surtout entre la frontière qui devient vraiment mince et indiscernable, disons, entre le réel et le technologique. Surtout avec nous qui sommes constamment sur des plateformes digitales, on ne s'en rend pas compte, mais on vit, on dédouble notre existence en quelque sorte, on dédouble notre conscience.
M: Tu touches à un bon point. L'internet, c'est une extension du système nerveux. Effectivement, quand on parle du téléphone, par exemple, les gens craignent tout ce qui est transhumanisme, les gens craignent tout ce qui est changement bio...
L: Oui, de changer son corps littéralement avec la technologie.
M: Je parlais de ça justement l'autre jour, où je me suis dit « mais vous ne vous rendez pas compte, c'est déjà le cas. » Le téléphone, c'est une extension, il n'est pas dans ton corps, mais au nombre d'heures que la majorité des gens passent avec ce truc-là dans la main, il occupe quand même une position dans leur cerveau. Et à la fois, il vient accentuer les capacités du cerveau, où on parle d'une communication qui se fait à plus grande échelle. Par exemple, parler avec quelqu'un en ligne, quand tu touches ton téléphone, la personne n'est pas dans la pièce, et pourtant, avec cette machine-là dans la main, on pourrait parler d'une forme de transhumanisme, où tu es capable de, presque comme de la télékinésie, de venir parler à quelqu'un qui n'est pas dans la même pièce.
L: Oui, parce que ton cerveau ne peut pas comprendre non plus que cette personne est distante. Tu l'as habitué à croire que la personne existe dans ton téléphone, littéralement, ou que tout est à travers ton téléphone.
M: C'est ça, ça peut modifier beaucoup de choses. On voit que les études sont sorties, ça fait un bout de temps déjà que ça vient toucher tout ce qui est dépression, anxiété, etc. Aussi, que ça vient modifier le comportement que les gens ont à cause de stimuli de dopamine, puis que le système nerveux vient être stimulé d'une manière pas réelle, mais que ça vient imiter...
M: Oui, ça dérègle aussi sûrement les hormones, puis notre perception de la réalité, de nous-mêmes, notre vie psychique.
M: Donc oui, la volonté de régresser, si on fait un parallèle avec 2000.town, c'est aussi de se retrouver en tant qu'humain. Je pense qu'il y a le côté humanité, il y a le côté « qu'est-ce que c'est que d'être humain ? » aussi. Parce que la définition a changé, et change encore, et il n'y a pas de... Je ne sais pas s'il y a une bonne réponse. Est-ce que d'être humain, d'avoir un téléphone, est-ce que c'est humain d'avoir un téléphone, si ça te donne des capacités ? Je ne sais pas. Mais après, on pourrait se dire est-ce que c'est humain d'avoir le téléphone, le téléphone ligne fixe ? On peut parler à des gens. Est-ce que ça fait partie de l'expérience de ce que c'est que d'être un humain, vraiment ? Est-ce que ça a changé la manière dont on participe à la vie, à l'écosystème ? C'est particulier, ce sont des questions auxquelles je n'ai pas de réponse vraiment, mais il m'arrive d'y penser.
L: Oui, ça fait partie de notre évolution aussi, ça fait partie de notre destin biologique, disons, en tant qu'espèce.
M: C'est ça, et donc à quel degré ça ce le serait, mais le AI ne le serait pas ? C'est ça aussi, c'est où est la ligne ?
L: Oui, entre la nature et le non naturel.
M: Exactement. Où est le threshold ? Quand est-ce qu'on fait la distinction ? C'est délicat, ça va changer. La façon d'exister en tant qu'humain risque dans les prochaines années de changer beaucoup.
Invité: Morgan Ali
Interviewer: Farah Louiza
Et merci à 2000.town !
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